Maxime Gautier
Research Lead covering the French market
Dans son programme présidentiel de 2022, Emmanuel Macron annonçait la mise en place future d’un « leasing social » pour l’achat de voitures électriques. Cette promesse de campagne avait ainsi entériné la démocratisation de ce qui était encore une nouvelle pratique d’achat pour les Français au début des années 2010 : le leasing ou location. Le leasing englobe en fait deux modes de location de biens. La location longue durée (LLD), qui revient à un contrat de bail classique à long terme, et la location avec option d’achat (LOA) où le consommateur a la possibilité d’acheter le bien loué à la fin du contrat, souvent avec l’aide d’un apport constitué en plus du versement des loyers. En 2020, le marché du leasing en France pesait plus de 40 milliards d’euros. S’il s’est surtout développé sur le marché de l’automobile pour répondre aux prix élevés des voitures électriques, le leasing est également aujourd’hui utilisé pour l’achat de smartphones, de panneaux solaires, de machines agricoles, de biens immobiliers et même de vêtements. Vanté pour sa flexibilité et la possibilité d’accroître considérablement le pouvoir d’achat des ménages modestes, le leasing n’en reste pas moins pointé du doigt pour l’opacité de ses contrats et des mensualités parfois désavantageuses comparées à des crédits bancaires classiques. Il est également reproché au leasing de maintenir artificiellement le niveau de demande sur les marchés, faussant le signal-prix et permettant aux entreprises de maintenir des prix élevés. Il n’en reste que le leasing apparaît aujourd’hui pour de nombreux Français comme une réponse à l’inflation ainsi qu’à une sélectivité toujours plus accrue des banques dans leurs octrois de crédits.
Le leasing en France
En 2022, plus de 10 milliards d’euros de contrats de leasing avaient été accordés à des particuliers en France, soit une augmentation de plus d’un milliard d’euros par rapport à 2018. Une progression qui peut notamment s’expliquer par la crise économique provoquée par la pandémie du Covid-19, ainsi que par la crise inflationniste commencée en 2022. Face à la montée des prix et à la baisse de leur pouvoir d’achat, les Français ont désormais moins la possibilité d’acheter directement des biens coûteux et préfèrent donc passer par des mensualités. Car ce sont en effet les contrats de location avec option d’achat qui sont privilégiés par les particuliers, le leasing leur permettant de lisser les coûts dans le temps. Les entreprises optent davantage pour les LLD puisque, n’entrant pas dans leur bilan comptable, ces contrats leurs permettent de réduire leur base imposable. En outre, le développement rapide de nouvelles solutions digitales rend nécessaire un renouvellement fréquent des équipements IT qui se retrouve donc facilité par la location. Toutefois, la remontée des taux d’intérêts depuis 2022 se retrouve également sur le marché du leasing. La hausse des loyers pourrait donc empêcher l’accès aux contrats des revenus modestes qui sont déjà exclus du crédit bancaire, alors qu’ils étaient l’une des cibles principales des offres de leasing. Un ralentissement du secteur est ainsi attendu en Europe, notamment sur le marché de la location de vêtements.Le leasing automobile
52 %, c’est la part de voitures vendues via leasing à des particuliers en France en 2022, alors que la location automobile représentait à peine un dixième des ventes du marché en 2012. Une croissance qui devrait perdurer puisqu’en 2022 la majorité des constructeurs automobiles avaient réalisé plus de 50 % de leurs ventes en France grâce à des contrats de location. Constructeurs qui commencent aussi à s’adapter, comme le groupe chinois MG Motor qui a annoncé la mise en place de son propre contrat de leasing à 99 euros par mois pour sa MG4 électrique. Plus que par le contexte économique, cette progression du leasing sur le marché automobile s’explique d’abord par la croissance du marché des véhicules électriques. Alors que les véhicules thermiques seront interdits à la vente dans l’Union Européenne à partir de 2035, de nombreux Français anticipent déjà en adoptant l’électrique. Ces voitures possèdent cependant des prix d’entrée très supérieures aux thermiques et sont donc moins accessibles pour les particuliers qui vont alors recourir au leasing. Ainsi, entre 2017 et 2022, la part des véhicules électriques dans les locations longue durée de voitures en France a plus que doublé. Néanmoins, le leasing n’est pas une bulle à part sur le marché de l’automobile mais suit les mêmes tendances. L’augmentation des prix de vente des voitures en France se répercute donc aussi sur les montants des contrats de location, qui ont progressé de 34 % entre 2017 et 2022. Dans le cadre d’une LOA le loyer étant, par exemple, calculé sur le différentiel entre le prix de vente de la voiture et sa valeur résiduelle à la fin de la durée du contrat. Enfin, pour se différencier des crédits classiques, les offres de leasing s’axent autour d’une politique de « tout compris », où l’abonnement couvre l’ensemble des frais d’entretien et de réparation de la voiture.Le leasing immobilier
Le leasing immobilier, aussi appelé « location-accession » ou « crédit-bail », est l’autre segment en forte croissance du marché de la location en France. L’octroi de prêts immobiliers étant en net recul en France depuis 2017, notamment dans l’immobilier neuf, le leasing apparaît désormais comme la solution de derniers recours pour les Français souhaitant acquérir un logement. Toutefois, contrairement au leasing automobile, le crédit-bail ne vient pas concurrencer les services de financement traditionnels. Les locataires doivent en effet, en plus du paiement du loyer, verser une mensualité au propriétaire du bien. Mensualité qui doit servir d’apport pour faciliter l’obtention d’un crédit immobilier à la fin du contrat de location. Aussi, l’option d’achat du leasing immobilier reste soumise à l’obtention d’un prêt bancaire et donc à la variation des taux immobiliers. En somme, si la location-accession peut faciliter l’accès à la propriété immobilière, elle n’est pas non plus une alternative. C’est pourquoi ses détracteurs reprochent au leasing immobilier de participer à la croissance des prix de l’immobilier et de fausser le marché, empêchant un réajustement de l’offre face aux difficultés des Français pour financer leurs achats. La location-accession ne serait donc pas une solution à la crise immobilière mais un accélérateur.
